Sous les sifflements et les rires, Annabelle roula une pelle monumentale à Romain. Loin de protester, ce dernier participa avec un enthousiasme qui suscita l'approbation du petit groupe. Tout le monde applaudit lorsqu'ils s'écartèrent. Annabelle avait l'air du chat avec la crème, Romain fit mine de tomber en pâmoison. Emeric gloussa dans le goulot de sa bière. Ils étaient tous complètement bourrés. Bourrés comme ça faisait longtemps. Emeric se dit que si on lui peignait les semelles et qu'il essayait de marcher en ligne droite, ça ferait une oeuvre d'art. Ouais, bourrés comme ça. Annabelle se rassit. Un silence religieux s'installa lorsqu'elle fit tourner la bouteille. Enfin, religieux. Y'avait rien de très catholique qui se passait dans leur tête à tous, ou alors ils étaient tous complètement défroqués. Emeric rigola encore un peu : défroqués, une bonne partie du groupe le serait vraiment avant la fin de la soirée, à ce rythme. Annabelle poussa un cri suraigu d'excitation qui rappela Emeric à l'ordre. La bouteille s'était arrêtée sur Jalil. Emeric bloqua tous les muscles de son visage. - Action ou vérité ! beugla Annabelle. - Action. Jalil était bourré aussi, Emeric en était sûr, sûr, sûr, mais même beurré comme une tranche de pain frais au petit déjeuner, il parlait tout calme et digne. Jalil, il avait été roi dans une vie antérieure. Roi sur un cheval avec une couronne. Ou un turban. - Jesaisjesaisjesaisjesais ! Jalil, je t'actionne d'embrasser enfin Emeric ! Cellule de dégrisement, vitesse de la lumière. Emeric jeta à Annabelle le regard de la trahison ultime, de l'incrédulité, de l'incompréhension, parce qu'elle ne venait pas de faire ça, non, c'était dégueulasse. Tout le monde savait qu'Emeric était raide dingue de de Jalil, ok, et Emeric ne se faisait pas d'illusions, il perdait tous ses moyens devant lui, ses neurones arrêtaient de se connecter, il bégayait ! Alors que ses parents avaient payé l’orthophoniste une fortune quand il était petit ! Mais pire du pire, il rougissait. Non mais vraiment. La totale. Le visage qui prenait la couleur d'une tomate enthousiaste. Les taches de rousseur qui se la jouaient étoiles dans le noir. Un panneau lumineux était plus discret. Le seul truc qui rendait la situation supportable, c'était que Jalil faisait poliment semblant de ne rien remarquer du tout. Quel éléphant rose au milieu du couloir, monsieur l'Agent ? Dégoûté et... noooon, il allait pas se mettre à pleurer, putain d'alcool à la cooooon ! Emeric se leva avec sa bouteille, sans oser regarder Jalil, et tourna les talons presque d'un seul coup. Coup de chance, la porte vitrée était ouverte alors il ne se cogna pas dedans en sortant dans le jardin.
no subject
Date: 2011-08-04 06:09 pm (UTC)Emeric gloussa dans le goulot de sa bière. Ils étaient tous complètement bourrés. Bourrés comme ça faisait longtemps. Emeric se dit que si on lui peignait les semelles et qu'il essayait de marcher en ligne droite, ça ferait une oeuvre d'art. Ouais, bourrés comme ça.
Annabelle se rassit. Un silence religieux s'installa lorsqu'elle fit tourner la bouteille.
Enfin, religieux. Y'avait rien de très catholique qui se passait dans leur tête à tous, ou alors ils étaient tous complètement défroqués. Emeric rigola encore un peu : défroqués, une bonne partie du groupe le serait vraiment avant la fin de la soirée, à ce rythme.
Annabelle poussa un cri suraigu d'excitation qui rappela Emeric à l'ordre. La bouteille s'était arrêtée sur Jalil.
Emeric bloqua tous les muscles de son visage.
- Action ou vérité ! beugla Annabelle.
- Action.
Jalil était bourré aussi, Emeric en était sûr, sûr, sûr, mais même beurré comme une tranche de pain frais au petit déjeuner, il parlait tout calme et digne. Jalil, il avait été roi dans une vie antérieure. Roi sur un cheval avec une couronne. Ou un turban.
- Jesaisjesaisjesaisjesais ! Jalil, je t'actionne d'embrasser enfin Emeric !
Cellule de dégrisement, vitesse de la lumière. Emeric jeta à Annabelle le regard de la trahison ultime, de l'incrédulité, de l'incompréhension, parce qu'elle ne venait pas de faire ça, non, c'était dégueulasse.
Tout le monde savait qu'Emeric était raide dingue de de Jalil, ok, et Emeric ne se faisait pas d'illusions, il perdait tous ses moyens devant lui, ses neurones arrêtaient de se connecter, il bégayait ! Alors que ses parents avaient payé l’orthophoniste une fortune quand il était petit !
Mais pire du pire, il rougissait. Non mais vraiment. La totale. Le visage qui prenait la couleur d'une tomate enthousiaste. Les taches de rousseur qui se la jouaient étoiles dans le noir. Un panneau lumineux était plus discret.
Le seul truc qui rendait la situation supportable, c'était que Jalil faisait poliment semblant de ne rien remarquer du tout. Quel éléphant rose au milieu du couloir, monsieur l'Agent ?
Dégoûté et... noooon, il allait pas se mettre à pleurer, putain d'alcool à la cooooon ! Emeric se leva avec sa bouteille, sans oser regarder Jalil, et tourna les talons presque d'un seul coup.
Coup de chance, la porte vitrée était ouverte alors il ne se cogna pas dedans en sortant dans le jardin.